jeudi 19 mars 2009

Jugement moral


Pour faire suite à la petite histoire de mardi sur le commandement relatif aux fruits, je reviens avec la notion des stades de développement du jugement moral. Ce concept a été développé par Kohlberg en 1971, suite aux travaux de Piaget. Ceci peut nous permettre de voir où nous en sommes personnellement rendus et d'identifier où les autres se situent au niveau du jugement moral. Il y aurait, selon Kohlberg, 6 stades d'évolution du jugement moral; nous pouvons parfois nous situer à des niveaux différents selon les circonstances qui nous touchent. Voici une courte explication de chacun en utilisant des exemples de la vie courante:
  1. Punition/récompense: basé sur l'égocentrisme, la loi du plus fort. Je m'incline devant la hiérachie et je me soumets à l'autorité sans questionnement, de peur de la punition. Si je veux quelque chose, je le prends, peu importe l'autre, en tant que je ne sois pas puni. Par exemple, j'obéis aveuglément aux lois de l'Église par peur d'être puni par Dieu... Je vole mon employeur, ce n'est pas grave tant que je ne suis pas pris...
  2. Donnant/donnant: Je fais quelque chose uniquement si je pense en retirer un bénéfice. C'est le stade de la loi du talion: oeil pour oeil, dent pour dent. Tu me fais quelque chose, je te fais quelque chose... Par exemple, je fais une neuvaine pour obtenir une grâce. Si je ne l'obtiens pas, je tourne les statues dos au mur dans la maison...
  3. Approbation d'autrui: je veux être un bon petit gars, une bonne petite fille. Je recherche l'approbation des autres pour être une bonne personne. Donc j'adhère aux comportements stéréotypés de la majorité pour être accepté.
  4. La loi et l'ordre: la loi c'est la loi. J'adhère aux lois existentes pour maintenir l'ordre; j'accomplis mon devoir. Par exemple, je vais à la messe du dimanche parce que c'est obligatoire. Ou, je respecte les limites de vitesse parce que c'est la loi.
  5. Recherche du concensus: le contrat social est important. Le bien relève maintenant davantage des valeurs individuelles. Par exemple, pour arriver à une décision dans une communauté civile ou religieuse, on essaie d'arriver à un concensus entre les membres.
  6. Justice et principes éthiques: empathie fondée sur le principe de la dignité humaine. Je fais des choix en fonction de ma conscience éclairée par des principes de justice, de pertinence et de globalité de mes choix, de moralité. Par exemple, l'abbé Pierre ou mère Térésa faisant leurs choix en fonction de leurs valeurs morales plutôt que de s'arrêter seulement à la loi ou à l'opinion de la majorité (ex pour les sans-abris ou opinion sur l'avortement)
Ces principes sont très utiles dans la communication et pour comprendre ce qui motive nos actions. Beaucoup d'incompréhensions sont causées par une différence sur l'échelle des stades de jugement moral des personnes en relation. Par exemple, si je suis accrochée à la loi c'est la loi, je serai portée à juger et ne pas accueillir correctement dans mon groupe religieux une personne qui vit en union libre, ce qui va contre les principes de l'Église.
Sans avoir rencontré les protagonistes du conflit religieux qui s'est déroulé récemment au Brésil, où un archevêque a excommunié une petite fille de 9 et sa mère parce que la jeune fille s'est fait avorter de jumeaux suite à un viol commis par son beau-père, je peux supposer que l'ecclésiastique en était au stade 4 du jugement moral. Il n'a pas su dépasser la loi de l'Église pour se placer au niveau de la compassion, comme l'a fait le président de l'académie pontificale pour la vie, Mgr Fisichella, lors de son commentaire sur la même affaire.

Il semble, selon les spécialistes, qu'une grande partie de la population générale a de la difficulté à dépasser le stade 4 pour adhérer à des valeurs supérieures de concensus, de moralité, de choix basés sur la conscience personnelle éclairée par l'empathie et la compassion, au lieu de se fier à la loi, ou à l'opinion de la majorité et la peur de perdre l'approbation de ceux qui nous entourent. Je vous donne un autre exemple, réfléchissez bien à ce que vous feriez dans la même situation:

Le « dilemme moral de Heinz » est un exemple classique de dilemme posé par Kohlberg à ses sujets. Il se résume comme suit.

La femme de Heinz est très malade. Elle peut mourir d’un instant à l’autre si elle ne prend pas un médicament X. Celui-ci est hors de prix et Heinz ne peut le payer. Il se rend néanmoins chez le pharmacien et lui demande le médicament, ne fût-ce qu’à crédit. Le pharmacien refuse. Que devrait faire Heinz ? Laisser mourir sa femme ou voler le médicament ?

Ce qui va intéresser Kohlberg n’est pas tant la réponse apportée par le sujet que la structure du raisonnement y ayant mené. Ainsi, on peut choisir une même issue au dilemme mais pour des raisons différentes qui vont révéler les fondements du jugement moral du sujet.

Un individu dira par exemple que Heinz doit laisser mourir sa femme pour ne pas aller en prison, et un autre de voler le médicament parce que sinon Dieu le punirait de laisser mourir sa femme. Ce sont les premiers stades de jugement. Ou encore un adulte pourrait dire qu’il doit laisser mourir sa femme parce que le vol est interdit par la loi, et un autre qu’il doit voler le pharmacien parce que la non-assistance à personne en danger est punissable par la loi. Mais ces deux derniers adultes révéleraient ici un raisonnement moral conventionnel au stade 4 de Kohlberg. Par contre, si je crois que Heinz peut voler le médicament parce que pour lui la vie est plus importante que les lois sur le vol, je passe alors à un stade de jugement moral non conventionnel supérieur. Intéressant, n'est-ce-pas?

Alors, je vous propose de vous amuser un peu en racontant l'histoire de Heinz à votre famille ou vos amis et essayez d'observer à quel stade de jugement moral chaque personne se situe, selon les arguments qui lui feront choisir une ou l'autre solution.
Françoise


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