Au tournant où ma jeunesse comme une rose commence à se faner
Alors qu’à peine je commençais à goûter aux fruits de la liberté
Voilà qu’un cruel précipice vient bouleverser le cours de ma route
A le contempler mon cœur est rempli d’effroi et de doute
La peur s’insinue dans les replis de mon esprit
Comme un long serpent qui se déroule à l’infini
Des larmes obscurcissent mon regard
Mon cœur affligé est transpercé par un dard
Alors que je n’étais encore qu’une jeune fille fragile et renfermée
L’homme que j’aimais le plus au monde m’a quittée
A force de labeur, de sueur, de peine et de douleur
Mon père trop tôt s’en est allé en laissant éclater son cœur
Sur la vie, sur la mort, sur l’abime du passé j’ai pleuré et détesté mon sort
N’offrant que mes épines, empêchant sans le savoir la rose en moi d’éclore
Jusqu’au jour où implorant une grâce du Ciel
Est entré dans ma vie un ami providentiel
J’ai ressenti dans tout mon être le vertige d’un nouveau départ
Un frisson, une douceur, l’accueil d’un regard
De la tendresse pure qui a su m’émouvoir
Et redonner à mon cœur un élan d’espoir
Pour la première fois de ma vie je me sentais appréciée et aimée
Par un homme dont le cœur était débordant de bonté
Il a su lire en moi au delà des apparences
Traverser comme un preux chevalier l’armure de mes défenses
Je l’ai accueilli dans ma vie comme une noyée reçoit une bouée de sauvetage
Et j’ai vu peu à peu s’ouvrir une brèche dans ma nature sauvage
Sa présence et son amitié sans retour ont planté en moi des germes de guérison
Nous épaulant l’un et l’autre, ensemble nous avons traversé de si belles saisons
Nous fûmes l’un pour l’autre refuge, soutien, défi, comme le sont de vrais amis
Chacun invitant l’autre à avancer, avec l’aide de Dieu, courageusement dans la Vie
Où s’amoncelaient parfois des nuages gris de tristesse, d’angoisse et de dépression
Mais aussi des moments de bonheur, de tendresse, d’engagement et de consolation
Voilà qu’une voleuse insidieuse s’est introduite dans sa mémoire
Nous dérobant le temps précieux qu’il nous restait à partager notre histoire
Il meurt un peu plus chaque jour l’ami fidèle, le second père que j’ai tant aimé
Son regard se vide me laissant impuissante et affolée
Je m’accroche tant que je peux pour ne pas le laisser partir
Refusant cette séparation qui me dévore et me déchire
Je ne veux pas l’abandonner, l’amitié c’est pour le meilleur et pour le pire
Mais dois-je couler avec lui au fond de l’abîme ou quitter ce navire?
Me voici emprisonnée dans les filets du doute et de l’incertitude
Par la peine de son départ, la peur de l’avenir et de la solitude
Ce qui me semble une fin selon ce que perçoit mon regard
Serait-elle le prélude à un nouveau départ?
Départ vers un ici et maintenant remplaçant peu à peu la méfiance par la confiance
Que la Vie et le Ciel ont déjà pour moi un chemin d’abondance
Aurai-je le courage de m’abandonner enfin et de sauter dans ce vide qui me fait face
Sachant que c’est la seule issue pour qu’en mon cœur assoiffé de tendresse se libère une place
Françoise, 6 septembre 09